Visite de l’atelier « suñu fonderie forge ».

Article : Visite de l’atelier « suñu fonderie forge ».
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23 novembre 2022

Visite de l’atelier « suñu fonderie forge ».

Dans la ville de Guédiawaye à Dakar, se trouve un atelier de fonderie qui se nomme « suňu fonderie forge ». Les fondeurs qui s’y trouvent ont été délogés de Colobane à cause des travaux du train express régional (TER). Ils ont déménagé dans un quartier de Gounass, leur nouveau lieu de travail. Ici, le travail se fait sous une forte chaleur et dans des conditions difficiles.

L’atelier se trouve dans un vieux bâtiment, faite de briques et d’ardoises. Dès l’entrée, une chaleur étouffante mêlée de poussière nous accueille, mélangée à de la fumée, le bruit perçant des deux fours qui s’activent et des coups de marteaux. De nombreux sacs de charbons sont disposés dans une pièce au fond de l’atelier. Des marmites posées les unes sur les autres sont disposées le long d’un mur qui longe l’entrée. Un fondeur, assis sur un banc en bois est occupé à limer des marmites dans un bruit assourdissant pour leur donner de belles formes.
Modou Nar Fall est un jeune fondeur. Une casquette noire sur la tête, habillé d’un jean gris et d’un T-shirt blancs, noircis par la fumée dégagée dans l’atelier. Le front dégoulinant de sueur, pieds nus et les mains musclées, il mélange vigoureusement l’argile avec de l’eau à l’aide d’une pelle. Il explique : « L’argile est préparée pour le moulage. Je le mets dans la marmite pour qu’il puisse prendre sa forme». Ceci fait, la marmite remplie de sable avec un trou au milieu est introduite dans un châssis. Puis elle est retournée et recouverte entièrement de sable. Un trou est à nouveau creusé avec une cuillère pour permettre l’écoulement de l’aluminium fondu à 640 degrés.


Modou puise ses mains dans un récipient d’eau puis l’asperge sur le châssis pour créer des repères. Cela permet de le replacer exactement au même endroit après avoir retiré la marmite qui a servi de modèle. Cette dernière est enlevée avec précaution, puis saupoudrée avec de l’argile. Modou procède ensuite au coulage de l’aluminium fondu. Quatre trous vont être percés à travers la couche qui recouvre la marmite où il va être versé.
L’aluminium est fondu par Assane Ciss. Barbu, un bonnet bleu sur la tête, habillé d’un T-shirt gris. L’aluminium est fondu avec beaucoup de charbon. Un four fabriqué avec un sèche-cheveux, relié à un fil permet de faire passer l’air en dessous du bol en fer dans lequel sont mélangés des matériaux à base d’aluminium sous une forte chaleur (640 degrés). Faute d’électricité, les fondeurs fabriquent eux-mêmes les fours dont ils ont besoin pour leur travail. Il affirme : « Sous cette forte chaleur, l’aluminium se transforme en liquide. Il devient tout gris et visqueux. Et c’est dans cet état qu’on le prend puis on procède au coulage ».


Le feu se met à crépiter et des étincelles jaillissent de la braise ardente. Avec une sorte d’énorme cuillère soutenue par une longue et solide barre de fer, Assane mélange l’énorme masse d’aluminium qui fond rapidement. Ceci fait, il le fait couler sur la marmite avant qu’il ne refroidisse. Cela va donner à la marmite sa couleur grise et sa résistance. Enfin, place au démoulage. La marmite est sortie du châssis par Modou, en fumée. Puis elle est mise dans à l’abri pour la laisser refroidir. Elle sera limée par un autre fondeur pour la rendre lisse et enlever les imperfections.


L’aluminium peut être aussi fondu d’une autre manière. Une sorte de machine, alimentée par du charbon mais qui fonctionne lorsqu’une roue est tournée à la main, ce qui va permettre à l’air de circuler. C’est une méthode dangereuse car le fondeur qui s’en charge est à moins d’un mètre de l’aluminium fondu. Mais faute de moyens, ils utilisent ce dont ils disposent.
Les fondeurs sont confrontés à de nombreuses difficultés. Dont le manque de matières premières face à la concurrence indienne.

Assane Ciss déclare : « Les indiens sont en train de s’accaparer de l’aluminium. Ils peuvent en acheter une très grande quantité et le stocker. Mais nous ne pouvons pas nous permettre cela car l’aluminium coûte cher ».
Au sein de l’atelier, les risques pour la santé sont grands. Les fondeurs ne portent pas de masques alors qu’ils respirent constamment la fumée dégagée par le feu. Ils s’exposent sans protection à l’aluminium qui bout à des centaines de degrés. « La proximité avec le four est dangereuse et j’en suis conscient. Mais je n’ai que ce travail pour subvenir à mes besoins », affirme Assane en soupirant.
Depuis qu’ils ont été délogés de Colobane il y a quatre années, en 2019 à cause des travaux du train express régional, ils n’ont plus d’atelier fixe. Assane Mbengue, en T-shirt bleu affirme : « Ils nous ont délogés de Colobane en nous promettant de nouveaux logements à Diamniadio. On a ramené tout notre matériel là-bas. Mais depuis lors, rien n’a été fait. Tous nos matériels ont été volés ».
Moussa Thiombane, chef de l’atelier a écrit un livre sur leur situation. Un essai intitulé La forge, facteur d’émergence. En chemise blanche, lunettes sur le visage, il sourit en parlant de ce métier. Pour lui, la fonderie occupe une place importante dans le domaine de l’artisanat et voudrait qu’il y ait une prise de conscience par rapport à ce fait. « C’est dans des ateliers comme celui-là que sort tous les jours la marmite sénégalaise. Plus de considération devrait nous être accordée. Notre travail est difficile et risqué ».
En attendant une satisfaction de leurs revendications, les fondeurs continuent leur dur labeur dans l’incertitude.

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Commentaires

Yaye Awa Niang
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Toujours un plaisir tes articles si intéressants😊.

Bigué Ndiaye DIOUF
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Merci beaucoup

Thierno AW
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Intéressant ! Après avoir lu ce blog, il est judicieux de se poser un certain nombre de questions à savoir :
Après ce délogement est-ce qu'ils ont eu un soutien financier et matériel voir même un accompagnement venant des autorités locales ?
Et que peut-être la part de cette activité dans l'économie sénégalaise ?