Teinturerie artisanale : derrière la beauté des tissus, un travail pénible et risqué

Article : Teinturerie artisanale : derrière la beauté des tissus, un travail pénible et risqué
Crédit: Bigué Ndiaye Diouf
17 mars 2023

Teinturerie artisanale : derrière la beauté des tissus, un travail pénible et risqué

De la fumée et beaucoup de chaleur. C’est dans cette ambiance que travaillent les artisans de la couleur dans cet atelier de teinturerie en plein air. Il se trouve à Médina Gounass, un quartier de la ville de Guédiawaye, au Sénégal, et existe depuis 6 ans. Ici, le savoir-faire est un héritage générationnel. Immersion dans un métier risqué et difficile.

Dans l’atelier de teinturerie s’affairent de nombreux ouvriers. La plupart d’entre eux travaillent sous une forte chaleur, sans masques, avec pour seule protection des gants. Au fond de l’atelier, un jeune homme remue le mélange bouillant de soude, d’eau chaude et de colorants, d’où s’échappent un épais nuage de fumée et une odeur piquante. De nombreuses autres marmites qui contiennent le même mélange sont éparpillées un peu partout. Pour se frayer un chemin, il faut être vigilant et faire attention à ne pas buter sur l’une d’entre elles. Le sable est noirci et mouillé à cause des mélanges colorés qui y ont été jetés au fil du temps. Une énorme fosse à l’entrée de l’atelier est utilisée pour y verser le mélange toxique.

Un processus de fabrication minutieux

C’est à partir d’un tissu ordinaire blanc que la teinture est effectuée. Mais avant, l’étoffe est pincée pour former des plis. Un fil résistant est ensuite enroulé autour des plis du tissu puis noués avant d’être teints. Coumba Konté est teinturière depuis plus de dix ans. Ce métier, elle l’a appris de ses parents. Le t-shirt rouge qu’elle porte comporte des taches de colorant noir. Elle a mis des chaussettes pour protéger ses pieds du mélange de substances chimiques.

LIRE AUSSI : Visite de l’atelier « suñu fonderie forge »

Elle explique le processus de coloration du tissu, en versant, penchée, le liquide bleu sur un tissu blanc plié, étalé à meme le sol. « J’achète le bakha (colorant) de couleur rouge et bleue turquoise que je mélange avec de la soude et de l’eau chaude. Lorsque l’eau bout, j’ajoute ensuite la gomme arabique. Ensuite, je verse le tout sur le tissu blanc. Je mets successivement la couleur rouge et celle bleue, tout en veillant à laisser un peu d’espace pour faire ressortir la couleur blanche, mais c’est un choix. Enfin, je laisse le tissu sécher ». Après le séchage complet du tissu, les nœuds sont enlevés.

Le tissu blanc est pincé jusqu’à avoir des plis de cette forme. Crédit : Bigué Ndiaye Diouf
Le colorant rouge. Crédit : Bigué Ndiaye Diouf
Les couleurs sont ensuite versées sur le tissu blanc.
Crédit : Bigué Ndiaye Diouf
Le tissu est ensuite laissé sécher au soleil. Crédit : Bigué Niaye Diouf

Un métier aux risques multiples

Les produits toxiques utilisés sans protection ont des effets néfastes sur la santé des ouvriers. Ce que déplore Coumba : « Nous sommes exposés à l’eau chaude et aux produits toxiques. Ca nous brûle la peau. Lorsqu’il m’arrive d’être blessée aux doigts, je reste sans rien faire, tellement c’est douloureux. Je n’ose surtout pas toucher à l’eau car mes doigts sont troués et me font mal. »

LIRE AUSSI : Immersion dans le métaverse

Selon El Hadj Badara Diallo, lui aussi teinturier, le risque d’accident est grand. Il affirme : « Tout peut arriver, le mélange bouillant tient sur des pierres et peut se verser sur les pieds de la personne exposée. Certains ont même eu des problèmes aux doigts à cause de la toxicité de la soude. »

Ces gants servent de protection pour les mains des teinturiers. Crédit : Bigué Ndiaye Diouf

Le poids de l’inflation

Les prix des tissus varient en fonction de la longueur qu’on veut acheter. Les trois mètres sont vendus à 35 mille, les 4 mètres à 45 mille et les 5 mètres à 65 mille francs CFA. Mais la teinture artisanale souffre de la hausse du prix du bazin et des produits utilisés pour la coloration selon Lansana Fofana, teinturier. « Nous n’avons pas de place fixe. De plus, les prix des tissus ont augmenté. » Le prix en gros du bazin est passé de 200000 à 230000 francs CFA. La guerre en Ukraine est aussi l’une des causes de la hausse du prix des produits importés.

Le bazin riche. Crédit : Bigué Ndiaye Diouf
Le getzner. Crédit : Bigué Ndiaye Diouf

Le tapage des tissus est effectué à Grand-Yoff, après leur séchage. Getzner, palmann ou bazin riche, il est fait avec un morceau de bois particulier appelé kouroundé. Posé sur un autre morceau de bois dit kouroumba. Le bois sont achetés au Mali. Pour Moussa Yaro, tapeur de tissus, ces derniers ne peuvent être vendus sans qu’ils soient tapés. Cela afin de les rendre plus jolis car l’aspect esthétique est pris en compte pour la vente du tissu.

Étiquettes
Partagez

Commentaires

Oceanne Kouame
Répondre

Merci de nous apprendre ça ! J'aime bien mettre ce tissu mais je n'avais aucune idée du processus de travail.