Les mécanismes de la dette

Article : Les mécanismes de la dette
Crédit: Shutterstock, Sersoll (CC)
3 octobre 2023

Les mécanismes de la dette

Peu importe d’où vous me lisez, vous avez forcément déjà entendu parler de la dette. Ce concept économique concerne tous les pays et est enjeu économique pour chacun d’entre eux. Elle est souvent utilisée comme justification des politiques menées par nos gouvernements. Mais savez-vous vraiment en quoi elle consiste ? Quels sont ses mécanismes de fonctionnement et pourquoi rythme-t-elle autant nos économies ? Devenez incollable sur le sujet en lisant cet article.

Pourquoi l’Etat s’endette ?

En économie, une dette est définie comme étant une somme d’argent qu’une personne, physique ou morale doit à une autre après la lui avoir empruntée. En ce qui concerne le monde de l’entreprise, la dette est souvent un moyen utilisé pour permettre le financement d’opérations ou d’investissements. La dette est devenue un véritable levier pour l’économie et permet aux Etats de financer de nombreux projets. Mais une dette trop grande peut mettre en danger la situation économique d’un pays, d’où l’importance pour un pays d’être solvable.

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La dette publique

La dette publique est, dans le domaine des finances publiques, l’ensemble des engagements financiers pris sous forme d’emprunts par un État, ses collectivités publiques et ses organismes qui en dépendent directement.

Elle est une conséquence du déficit du solde budgétaire. Pour emprunter, les Etats doivent se tourner vers les marchés financiers afin de trouver des investisseurs. Pour financer son déficit, il emprunte de l’argent aux banques, ce qui fait qu’il s’endette plus. L’État s’endette via des obligations (titres de créance qui sont vendus à des banques, qui ensuite les revendent à des investisseurs institutionnels). Ces obligations ont des taux d’intérêt que l’Etat paie tous les ans et quand elles arrivent à maturité, il rembourse la somme empruntée au départ. Les intérêts sont la charge de la dette (coût de l’emprunt). L’État se rendette auprès des banques pour rembourser ses obligations, payer ses intérêts et financer son ancienne dette avec de la nouvelle dette.

L’État est immortel, il peut s’endetter sur des échéances longues, ce qui fait que la dette ne disparaît pas. Elle est renouvelable et l’échéance de paiement repoussée indéfiniment (faire rouler la dette) et peut augmenter ses recettes en haussant les impôts ou en stimulant la croissance. Les emprunts de la dette publique sont passés auprès des marchés financiers, des banques et des banques centrales (institutions généralement publiques qui créent et détruisent la monnaie). Plus l’Etat s’endette, plus il est enclin à mener une politique d’austérité afin de garder la confiance des marchés et des investisseurs pour pouvoir refinancer sa dette.

Quand l’Etat inspire confiance, des créanciers peuvent payer pour mettre leur argent en sécurité. Si les taux d’intérêt montent, la charge de la dette devient plus élevée. L’État va s’endetter davantage et inspirer moins confiance, les investisseurs exigent alors un taux d’intérêt plus élevé avant de prêter leur argent. Cette confiance est liée à la note attribuée aux Etats par les agences de notation, et peut se baser sur des critères comme la situation économique du pays, sa stabilité ou sa politique monétaire et budgétaire. Lorsqu’on réemprunte pour payer sa dette, elle s’auto-alimente, c’est l’effet boule de neige.

Image par Rilson S. Avelar de Pixabay

Quand le pays ne peut plus payer les charges qu’il doit, il est en défaut de paiement, comme ce fut le cas de l’Argentine en 2001. Elle fut exclue des marchés financiers pendant 15 ans, ce qui a impacté les dépenses publiques (dépenses courantes de fonctionnement, de sécurité, de santé, prestations sociales, les investissements dans les infrastructures).

Les banques centrales peuvent acheter une partie de la dette publique des Etats, comme la Banque Centrale Européenne (BCE). Mais elle ne peut acheter la dette publique que sur le marché secondaire, c’est-à-dire, le marché où la dette a déjà été achetée une première fois par des investisseurs. On parle alors de monétisation de la dette.

La dette intérieure

La dette intérieure est la partie de la dette nationale qu’un pays possède. Une partie qui est acquise par les citoyens d’un pays eux-mêmes. Il possède de nombreux avantages. La facilité de trader dans la monnaie locale, en d’autres termes à quel point il est facile pour un gouvernement d’opérer en monnaie locale et de ne pas avoir à gérer en permanence les fluctuations des paires de devises étrangères. La liberté de négocier avec les créanciers internes.

La dette extérieure

Elle est l’ensemble des engagements financiers de l’Etat vis-à-vis des fournisseurs étrangers. Cette dette est de différentes natures. Elle est dite multilatérale quand elle lie un pays à une ou des organisation(s) financière(s) internationale(s). C’est-à-dire des prêts, engagés auprès des institutions internationales comme la Banque Mondiale ou le Fonds Monétaire International (FMI). Et une dette publique bilatérale (des emprunts faits par un Etat auprès d’un autre Etat). Une dette extérieure peut aussi être engagée par des entreprises privées (une entreprise industrielle locale, une banque locale). Elle peut être à court, moyen ou long terme, concessionnelle, semi-concessionnelle ou commerciale.

La dette privée

La dette privée est considérée comme la dette de toute personne physique ou morale qui n’est pas une administration publique. C’est la dette générée lorsqu’une personne demande un prêt ou un crédit, lorsqu’une entreprise émet des obligations.

La dette privée d’un pays est la somme de toutes les dettes que toutes les entreprises, familles et entités financières qui résident dans ce pays maintiennent. Peu importe qu’on ait la dette auprès d’investisseurs nationaux ou internationaux.

Ces dettes servent à financer les dépenses de ceux qui en font la demande, mais contrairement à la dette publique, la plupart de ces dettes proviennent de crédits et de prêts. Bien qu’il existe également de nombreuses entreprises qui émettent des titres de dette pour se financer, pratiquement à travers le même système que les émissions de dette d’un pays. Le taux d’intérêt sur ces émissions dépendra de la confiance que les marchés ont que cette entreprise ou institution financière restituera l’argent.

Le service de la dette

Le service de la dette est le nom donné à l’activité que met en œuvre un État pour rembourser sa dette chaque année. Il désigne la somme que l’emprunteur doit payer chaque année pour honorer sa dette. Il ne doit pas être confondu avec la charge de la dette, qui ne recouvre que le service des intérêts de la dette.

Le service de la dette peut poser des problèmes de paiement dans le cas où l’État n’est pas solvable et ne dispose pas de capacité d’endettement. Le problème se pose de manière aiguë lorsque la dette est contractée dans une monnaie étrangère, alors que le pays dépend de sa réserve de change pour le service de la dette. Le montant qui fait l’objet de service de la dette peut être divisé en deux parties. Le principal, c’est-à-dire la somme empruntée originellement, ainsi que les intérêts, calculés en appliquant un taux d’intérêt sur le principal. Il inclut donc le remboursement d’une partie du capital qui est le « principal » et les intérêts fixés appelés « la charge de la dette ». C’est une échéance élaborée entre l’Etat et le créancier pour définir l’échelonnement du remboursement de la dette. Le service de la dette est mouvant car peut faire l’objet d’un rééchelonnement, d’une suspension ou d’une suppression.

Image par Alan Cleaver de Pixabay

Le Groupe de la Banque mondiale défend activement des solutions globales à l’endettement reposant sur au moins quatre axes : suspension, réduction, restructuration et transparence de la dette. La Banque Mondiale et le FMI ont appelé les pays du G20 et les créanciers multilatéraux à mettre en place l’Initiative de suspension du service de la dette (ISSD) pour répondre aux besoins de liquidités et d’atténuer les effets de la Covid-19 sur l’économie des pays en voie de développement. C’est ainsi qu’il a été acté une suspension du service de la dette par le G20 pour les pays africains à hauteur de 1,9 milliards de dollars. Depuis son entrée en vigueur le 1er mai 2020, elle a permis d’alléger la dette de plus de 40  pays dont le Sénégal, le Nigéria, la Guinée-Bissau pour un montant total de plus de 5 milliards de dollars.

Les conséquences de la dette sur l’économie

La réalisation des objectifs de développement durable exige des investissements considérables, notamment dans l’infrastructure, le capital humain et la résilience au changement climatique. Or, dans les pays en développement, les gouvernements ont souvent des moyens limités pour mobiliser des recettes publiques ou des investissements privés. L’évolution défavorable pour eux des cours des matières premières, la montée du protectionnisme qui limite les débouchés commerciaux des exportateurs du Tiers-Monde sont ce qui les pousse à l’endettement. Quand elle est bien gérée, transparente et utilisée dans le cadre d’une politique de croissance crédible et rentable, la dette peut créer des emplois et des richesses. Le recours à l’endettement joue un rôle essentiel pour le développement, mais des niveaux insoutenables fragilisent la croissance. Depuis quelques années, les vulnérabilités liées à l’endettement augmentent dans les marchés émergents et les pays à faible revenu.

Un endettement public élevé peut freiner les investissements privés, accroître la pression budgétaire, réduire les dépenses sociales et limiter les capacités du gouvernement à mettre en œuvre des réformes et rend un pays vulnérable aux chocs futurs. L’endettement n’est pas le seul fait des pays pauvres. En 2021, avec une dette publique qui dépasse 250% de son PIB, le Japon est devenu le pays le plus endetté au monde. Mais la dette japonaise est détenue en grande partie par la banque du Japon et des investisseurs institutionnels locaux (assurances, banques), sous influence directe du gouvernement. Donc le pays emprunte à ses banques, la dette est refinancée perpétuellement et jamais payée.

La dette n’est pas une fatalité. Les Etats en ont besoin pour financer leur économie. Une dette utilisée dans des investissements rentables peut produire de la richesse qui peut permettre de la payer et peut attirer la confiance des investisseurs. Mais si la dette est mal utilisée, le pays peut devenir insolvable, et son économie en subir les conséquences.

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